Une liaison entre deux salariés qui finit mal peut conduire au licenciement disciplinaire

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Un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement pour faute, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Illustration dans un contexte de rupture sentimentale houleuse entre deux salariés de la même entreprise.

Motif tiré de la vie personnelle : il ne peut en principe justifier un licenciement pour faute

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, y compris durant son préavis. 

En vertu du respect de la vie privée, vous ne pouvez, en principe, pas justifier un licenciement disciplinaire par un fait relevant de la vie personnelle d’un salarié.

Exemple : A été jugé sans cause réelle et sérieuse, le licenciement du salarié à qui il était reproché l’envoi de courriels xénophobes depuis sa messagerie professionnelle, qui relèvent de sa vie privée, dès lors qu'ils ont été envoyés dans le cadre d'échanges privés et qu'ils n'avaient pas vocation à être rendus public.

 

Si le fait imputé au salarié, qui relève de sa vie personnelle, occasionne un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l'entreprise, il peut tout au plus justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

Votre pouvoir disciplinaire se limite à sanctionner le salarié, uniquement s’il manque à ses obligations professionnelles.

Motif tiré de la vie personnelle : licenciement justifié en cas de SMS intempestifs envoyés dans le cadre d’une rupture sentimentale

La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est parfois mince et la jurisprudence admet que, lorsque des faits relevant de la vie privée caractérisent un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, la faute peut être constituée.

Ainsi, un salarié qui manquerait à son obligation de sécurité, pour des agissements intervenus dans un cadre privé, pourrait être légitimement licencié pour faute.

En effet, les salariés, à l’instar des employeurs, sont eux aussi soumis à une obligation de sécurité.

Il leur incombe de prendre soin de leur santé et de leur sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, et ce, en fonction de sa formation et de ses responsabilités (Code du travail, art.  L. 4122-1).

Illustration avec une décision rendue par la Cour de cassation le 26 mars 2025.

En l’espèce, un cadre, membre du comité de direction, en poste depuis 32 ans, au passé disciplinaire vierge, est licencié pour faute grave. 

Il était en effet reproché à ce cadre d’avoir importuné une salariée de l’entreprise, d’un niveau hiérarchique plus bas, avec laquelle il avait entretenu une liaison. 

Plus concrètement, cet amoureux éconduit avait adressé de nombreux messages insistants à la salariée via des canaux de messagerie privée, mais également sur sa messagerie professionnelle, malgré les demandes répétées de la salariée de cesser ces agissements.

L’employeur, alerté par la médecine du travail et la manager de cette salariée, a estimé que ce directeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, et prononcé un licenciement pour motif disciplinaire.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes, faisant valoir que les faits relevaient de sa vie privée, et que quand bien même ils auraient pu troubler le fonctionnement de l’entreprise, il ne constituaient pas une faute.

A cette occasion, la Cour de cassation réaffirme qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat.

Dans cette affaire, les juges retiennent que le comportement du directeur était de nature à porter atteinte à la santé psychique de la salariée, constituant ainsi un manquement à son obligation de sécurité découlant de son contrat de travail.

Le comportement du salarié, incompatible avec ses responsabilités, sur le lieu et le temps du travail, rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise. Le licenciement du directeur pour faute grave était donc en l’espèce justifié.

Source : Cour de cassation, chambre sociale, 26 mars 2025, n° 23-17.544 (un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement pour faute grave s'il caractérise un manquement à son obligation de sécurité, rendant impossible son maintien dans l'entreprise)
Editions Tissot https://www.editions-tissot.fr/actualite/droit-du-travail/une-liaison-entre-deux-salaries-qui-finit-mal-peut-conduire-au-licenciement-disciplinaire